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28 novembre 2022

Quand la protection par le droit des dessins et modèles supplante celle du droit d’auteur

Le dessin et modèle est souvent le grand oublié dans la stratégie mise en place par les entreprises pour la protection de leurs droits de propriété industrielle.

Alors que plus de 113 000 marques ont été déposées auprès de l’INPI en 2021, seulement 5 853 dépôts de dessins et modèles ont été effectués pour la même année[1]. Si les statistiques sont meilleures au niveau de l’Union européenne, il n’en reste pas moins que le nombre de dessins ou modèles communautaires enregistrés est quasiment deux fois plus faible que celui des dépôts de marques de l’Union européenne (pour l’année 2021 : près de 198 000 demandes de marque de l’UE contre moins de 101 000 dessins ou modèles enregistrés[2]).

Différentes raisons peuvent expliquer ce désamour pour la protection par le droit des dessins et modèles ; l’une d’entre elles repose sur la croyance que la protection de l’apparence d’un produit est déjà bien assurée par le droit d’auteur. La protection par le droit des dessins et modèles constituerait ainsi un « doublon », d’autant moins pertinent qu’il est soumis à des formalités et au paiement de taxes, alors même que, dans de nombreux pays, dont la France, aucune formalité n’est exigée pour pouvoir prétendre à la protection par le droit d’auteur (sous réserve que les conditions légales de la protection soient réunies).

La Cour d’appel de Paris[3] vient nous rappeler qu’une protection par le droit des dessins et modèles peut être reconnue alors que la protection par le droit d’auteur est exclue.

En l’espèce, une société spécialisée dans la création et la vente de produits pour l’ameublement et la décoration de la maison revendiquait des droits d’auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés sur trois dessins qu’elle reproduisait sur du linge de maison.

La Cour d’appel a rejeté la protection de ces dessins par le droit d’auteur au motif qu’il s’agissait de la simple reprise de motifs appartenant au fonds commun en matière de carreaux décoratifs en céramique, peu important le fait que la demanderesse l’ait repris pour du linge de maison dès lors que la protection était revendiquée uniquement pour le dessin. Elle précise également que la demanderesse n’avait pas établi en quoi les dessins considérés présenteraient une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Les dessins concernés sont donc dépourvus d’originalité, condition sine qua non pour obtenir une protection par le droit d’auteur.

En revanche, la Cour d’appel a considéré que les dessins invoqués étaient protégeables au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés. Rappelons en effet que le critère de l’originalité n’est pas une condition de protection pour le droit des dessins et modèles.

Concernant le premier dessin, la Cour rappelle qu’il convient de procéder à une comparaison globale entre le modèle revendiqué et le modèle antérieurement divulgué, tous deux pris dans leur ensemble. Elle considère ensuite que l’impression d’ensemble produite par les deux modèles diffère.

Concernant le deuxième dessin, la Cour estime que le modèle revendiqué et le modèle antérieurement divulgué se distinguent par les éléments qui les composent, ainsi que par leur rendu, celui du modèle antérieur étant plus dense et plus chargé. Les deux modèles produisant une impression d’ensemble différente.

Concernant le troisième dessin, les caractéristiques du modèle revendiqué ne se retrouvent pas au sein des modèles antérieurement divulgués. Ainsi, le modèle revendiqué représente une apparence distincte.

Soulignons, en l’espèce, que le caractère non enregistré des dessins et modèles revendiqué n’a pas, en tant que tel, influé sur leur protection ; les critères pour revendiquer une protection par le droit des dessins et modèles communautaires, à savoir la nouveauté et le caractère individuel, étant les mêmes qu’il s’agisse de dessins ou modèles communautaires enregistrés ou non enregistrés.

Cette décision, loin d’être isolée[4], vient rappeler le caractère indépendant et non subsidiaire ou alternatif du droit des dessins et modèles par rapport à la protection par le droit d’auteur.

 

Ainsi, la protection de l’apparence des produits par le droit des dessins et modèles s’inscrit dans une réelle stratégie globale de protection des actifs incorporels de la société.

L’ensemble de l’équipe de GUIU IP se tient à votre disposition pour vous accompagner dans la détermination et la mise en œuvre d’une stratégie de protection de vos designs !

[1] https://www.inpi.fr/chiffres-cles-inpi-2021-record-de-depots-de-marques-pour-la-4e-annee-consecutive

[2] https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr/the-office

[3] Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1 ch., 15 juin 2022, 20/04501, Dubos AS SAS c. Eurodif SAS

 

[4] Voir notamment : CA Paris, pôle 5, 1 ch., 16 nov. 2021, Sonia Rykiel Création et Diffusion de Modèles c. Fashion Retail SA et al., 18/20990 (D20210065 ; PIBD 2022, 1175, III-8 ; motifs à œillets et à strass) ; CA Paris, pôle 5, 1 ch., 21 juin 2016, Maisons du Monde SAS c. L’Entrepôt SARL et al., 15/00425 (D20160091 ; PIBD 2016, 1059, III-863 ; Propr. intell., 61, oct. 2016, p. 501, p. 514, notes de P. de Candé ; modèle de buffet revêtu de visuels )