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26 février 2024

Forme du conditionnement du produit déposée à titre de marque : retour sur une récente décision de la Chambre de recours de l’EUIPO

La liberté est grande dans le choix du signe que vous pouvez utiliser pour représenter votre marque : un mot, un dessin, des chiffres, une forme, etc. Mais cette grande liberté ne doit pas laisser oublier deux exigences essentielles à la validité d’une marque : le signe choisi doit être distinctif et ne pas être descriptif.

Si les critères d’appréciation de ces deux exigences s’appliquent de la même façon quel que soit le type de marque concernée, il n’en reste pas moins que, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle. La Chambre de recours de l’EUIPO (Office européen de la propriété industrielle) a encore eu l’occasion de le rappeler dans une décision récente (15/01/2024, R 1864/2023-5, Forme d’une bouteille (3D)).

Dans cette affaire, la société Maison J.R. BRILLET S.A. avait déposé une marque tridimensionnelle représentant une forme de poire coupée en biais dans sa hauteur pour désigner des boissons de fruits et des sirops en classe 32, ainsi que des spiritueux et liqueurs en classe 33.

Une objection provisoire avait été émise par l’Examinateur de l’EUIPO sur le fondement de l’absence de caractère distinctif de la marque (article 7(1)(b) du Règlement sur la marque de l’Union européenne (RMUE)). L’Examinateur avait en effet considéré que le signe consistait simplement en la représentation d’une bouteille ou d’un flacon dont la forme ne se différenciait pas de façon substantielle des diverses formes utilisées dans le commerce pour les produits pour lesquels l’objection avait été formulée.

L’Examinateur ayant maintenu sa décision malgré la contestation du titulaire, ce dernier avait formé un recours contre cette décision. C’est à la décision de la Chambre de recours que nous allons ici nous intéresser.

Cette décision de la Chambre de recours est tout d’abord intéressante car elle rappelle que cette Chambre a la possibilité de soulever un motif de refus de la demande d’enregistrement qui n’aurait pas été invoqué dans la décision faisant l’objet du recours, ce qu’elle fait en l’espèce en soulevant le caractère descriptif de la marque (article 7(1)(c) du RMUE).

Sur le fond, la Chambre de recours va déjà analyser le nouveau motif de refus qu’elle soulève, pour ensuite s’intéresser au motif qui avait été soulevé lors de la phase d’examen et qui faisait l’objet du recours.

Concernant le caractère descriptif de la marque (article 7(1)(c) du RMUE)

Rappelons qu’un signe ne peut pas être composé exclusivement d’éléments descriptifs d’une caractéristique des produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Derrière cette exigence, l’objectif principal est la protection des concurrents contre tout risque de monopolisation par un seul opérateur d’indications descriptives de caractéristiques de tels produits ou services.

En l’espèce, la Chambre de recours retient que le signe concerné sera perçu, par au moins une partie non négligeable du public, comme une bouteille ou un flacon en forme de poire et qu’appliqué aux produits concernés le public comprendra que cette forme indique qu’il s’agit de boissons fabriquées à base de poire ou ayant un goût de poire. Elle précise que les caractéristiques revendiquées comme inhabituelles de la forme en cause n’empêcheront pas le public pertinent de percevoir le message descriptif.

Elle en conclut donc que la marque demandée est descriptive des caractéristiques du produit.

Concernant l’absence de caractère distinctif de la marque (article 7(1)(b) du RMUE)

La Chambre de recours s’intéresse ensuite au motif de refus qui avait été soulevé lors de l’examen de la marque, à savoir l’absence de caractère distinctif de la marque, car s’il peut y avoir chevauchement avec le motif précédent, il n’en reste pas moins que chaque motif de refus est indépendant.

Rappelons tout d’abord qu’un signe doit permettre au consommateur d’identifier la provenance du produit ou service portant la marque et de le distinguer de ceux provenant d’autres entreprises. Cette exigence de distinctivité tend donc à protéger le consommateur.

La Chambre de recours rappelle en premier lieu que la forme de la marque véhiculera uniquement un message descriptif relatif aux caractéristiques des produits en cause, à savoir qu’ils sont fabriqués à partir de boire ou leur saveur ou arôme.

Elle poursuit ensuite en rappelant que le consommateur n’a pas pour habitude de déterminer l’origine d’un produit en se fondant sur sa forme ou sur celle de son emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel. Ainsi, pour qu’une marque tridimensionnelle puisse être considérée comme distinctive, et donc remplir sa fonction d’indicateur d’origine, elle doit présenter une forme qui diverge des habitudes et des normes du secteur.

La Chambre de recours insiste de façon fort utile sur le fait qu’être le seul à produire une forme de conditionnement n’implique pas automatiquement que la marque présente un caractère distinctif et que la nouveauté et l’originalité ne sont pas des critères pertinents à eux seuls pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque.

En l’espèce, la Chambre de recours a retenu que la marque dont l’enregistrement est recherché ne constitue qu’une simple variante des bouteilles de ce type de produits qui ne diverge pas, dans son ensemble, de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur pour les produits en cause.

Elle en conclut donc que la marque en cause ne sera pas perçue par le public pertinent comme indiquant l’origine commerciale des produits concernés et qu’elle est donc dépourvue de caractère distinctif.

La Chambre de recours confirme donc la décision de l’Examinateur qui avait refusé l’enregistrement de la marque.

Les exigences de distinctivité de la marque et d’absence de descriptivité sont des notions assez complexes nécessitant une analyse fine adaptée à chaque cas d’espèce. Cela est d’autant plus vrai pour les marques non conventionnelles pour lesquelles ces exigences sont parfois encore plus difficiles à remplir en raison des habitudes du consommateur et de sa perception des marques. Faire appel à un spécialiste du droit des marques pourra vous éviter certaines déconvenues !

 

Stéphanie BOIS