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13 novembre 2023

Langue de procédure et UDRP

Le paragraphe 11 des Règles d’application des Principes UDRP prévoit que la langue de la procédure administrative est celle du contrat d’enregistrement du nom de domaine attaqué, sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement. Cela peut parfois être lourd à supporter pour le Plaignant à la fois en termes de temps et de coûts. Heureusement, il est parfois possible de déroger à cette règle sans que cela nécessite l’accord express du titulaire du nom de domaine attaqué comme nous le rappelle une récente décision du Centre d’arbitrage de l’OMPI[1].

 

Contexte

 

Le Plaignant est la société française BENDA BILI. Elle propose une collection de prêt-à-porter et d’accessoires pour femmes sous le nom commercial et la marque SEZANE. Le Plaignant a développé un portefeuille de marques SEZANE et est titulaire de plusieurs noms de domaine comportant le signe SEZANE, notamment <sezane.com> enregistré en avril 2003.

 

Le nom de domaine litigieux <sezanefr.shop>a été enregistré le 25 août 2023 et dirige vers une boutique en ligne reprenant la marque et le logo du Plaignant et qui vendrait des produits du Plaignant à des prix réduits.

 

Décision

 

Sur la langue de procédure

En premier lieu se pose la question de la langue applicable à cette procédure UDRP. En effet, la plainte UDRP a été soumise en langue anglaise alors que le contrat d’enregistrement qui s’applique au nom de domaine litigieux est en chinois. Or, le paragraphe 11 des Règles d’application des Principes UDRP prévoit que par défaut la langue applicable à la procédure est celle du contrat d’enregistrement du signe litigieux, sauf disposition contraire de ce contrat ou accord entre les parties, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

Le Plaignant a argumenté que la langue anglaise est celle utilisée le plus largement dans les relations internationales, le nom de domaine est composé de caractères latins, reprend la marque SEZANE avec l’adjonction de l’élément « fr » qui fait référence à la France, et que maintenir le chinois comme langue de procédure causerait des dépenses supplémentaires et une charge importante.

 

Les Principes UDRP ont cet avantage qu’ils permettent une certaine souplesse. Ainsi, la Commission bénéficie d’une certaine discrétion pour décider de l’usage d’une langue autre que celle du contrat d’enregistrement, dictée par une esprit d’équité et de justice pour les deux parties.

 

En l’espèce, la Commission accepte la demande du Plaignant et retient l’anglais comme langue de procédure. Elle retient que divers indices indiquent que le Défendeur comprend l’anglais : le nom de domaine n’a aucune signification particulière en chinois, la marque du Plaignant est entièrement reprise dans le nom de domaine litigieux avec l’adjonction des lettres « fr ». La Commission note également que la Plainte et la notification de la langue de procédure ont été faites par le Centre à la fois en anglais et en chinois, et que le Défendeur n’a ni fait de commentaire sur la langue de procédure ni répondu à la plainte.

 

Sur le fond

 

Rappelons que pour obtenir gain de cause dans une plainte déposée en vertu des principes de la procédure UDRP, le Plaignant doit satisfaire les trois conditions suivantes :

 

  • Le nom de domaine enregistré par le Défendeur est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec une marque sur laquelle le Plaignant détient des droits ;
  • Le Défendeur n’a aucun droit ou aucun intérêt légitime en lien avec le nom de domaine litigieux, et
  • Le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.

 

Sur ces différents point aucune surprise.

 

  • Similarité du nom de domaine litigieux

Le Plaignant a apporté la preuve qu’il détenait des droits de marques enregistrés sur le signe SEZANE.

 

La simple adjonction des lettres « fr », connues pour être le code pays de la France, à la marque du Plaignant au sein du nom de domaine litigieux n’empêche pas de reconnaître l’existence d’une similarité.

 

  • Droits ou intérêt légitime

Le Défendeur n’est pas un revendeur autorisé et n’est pas lié au Plaignant.

Le nom de domaine litigieux renvoie vers un site internet de vente en ligne utilisant les marque et logo du Plaignant. Le nom de domaine litigieux reprend la marque du Plaignant auquel sont adjointes les lettres « fr » qui correspondent au code pays de la France, pays du Plaignant.

 

  • Enregistrement et usage de mauvaise foi

Les différents éléments du cas d’espèce démontrent que le nom de domaine a été réservé et utilisé pour tromper les consommateurs recherchant les produits et services du Plaignant.

 

 

Réflexions

 

La possibilité d’échapper à la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux est bien évidemment un élément important pour le Plaignant, lui évitant la perte de temps et d’argent liés à la nécessité de faire traduire sa plainte et les pièces qui l’accompagnent le cas échéant par un traducteur professionnel. Toutefois, rappelons que c’est la Commission qui reste seule décisionnaire et peut librement refuser une dérogation à la règle de base si elle considère que cela serait injuste pour l’une des parties. Il est donc important pour le Plaignant de bien justifier sa demande.

 

GUIU IP reste à votre disposition pour vous accompagner en matière de protection et de défense de vos noms de domaine.

 

Stéphanie BOIS

[1] Case No. D2023-3623, 19.10.2023, Benda Bili v. 胡燕(Yan Hu)