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09 décembre 2020

L’absence de contrariété à l’ordre public et aux bonnes mœurs en matière de brevet : illustration récente d’une condition de validité rarement discutée

Quand on évoque les conditions légales de brevetabilité d’une invention, on mentionne systématiquement la nouveauté et l’activité inventive. Toutefois, d’autres conditions existent. Ainsi, par exemple, l’exploitation commerciale de l’invention ne doit pas être contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, cette contrariété ne pouvant résulter du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition législative ou réglementaire (article L. 611-17 du Code de la propriété intellectuelle).

Cette disposition, qui fait l’objet de très peu de décisions en jurisprudence, tant au niveau français qu’européen, semble de prime abord d’interprétation délicate. A cet égard, une récente décision du Tribunal Judiciaire de Paris (N° RG17/12393 du 6 novembre 2020) vient rappeler le cadre d’application de cet article.

L’invention revendiquée était un « kit pour la consommation de solides ou semi-solides par inhalation […] », plus connu sous le nom de « pipe à crack », permettant la consommation de drogues sous formes solides.

L’usage de ce type de drogues étant illégal, le demandeur en annulation soutenait que l’invention était non-brevetable pour contrariété à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Pour étayer sa demande, il faisait référence à une décision de 1913 relative à une pipe à Opium.

Le Tribunal ne suit pas ce raisonnement et considère que « quand bien même le brevet FR 724 porte sur un kit permettant la consommation, par ailleurs légalement prohibée, de produit stupéfiant, il n’est pas en lui-même contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs dès lors que son exploitation ne peut se faire qu’à travers la distribution du kit aux usagers de drogue par les seuls CAARUD et associations de santé publique opérant, dans le cadre légal déterminé de la politique de réduction des risques, dans un objectif prépondérant de santé publique et non dans celui de promotion et incitation à la consommation de drogues ».

Ce faisant, le Tribunal confirme une jurisprudence constante en la matière ; il suffit qu’il existe une application légale à une invention pour ne pas tomber sous le coup de l’exclusion pour contrariété à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Stéphane OUDIN